Témoignage BREST Kerichen le 14 avril 2003   (3/8)


Le Monde comme système THERMODYNAMIQUE fermé mais pas isolé.

Après quelques années dans les télécommunications, je me suis lancée dans ce qu'on appelait alors les énergies douces et les "économies d'énergie", en 1977 époque des chocs pétroliers alors appelés "crise de l'énergie" dans les médias, créant un climat d'angoisse favorable au développement du programme de construction des centrales nucléaires françaises actuelles. Ce programme, dit "Mesmer" du nom du premier ministre d'alors, a toutefois nécessité la protection des chantiers par les CRS, ce fut Bugey, Creys Malville (1 mort)... Plogoff. Les Bretons ont toutefois réussi à empêcher la construction de cette dernière. Rassurez-vous, elle fut construite ailleurs et 58 Réacteurs à Eau Pressurisée sont actuellement en service sur le territoire français.

Je vous rappelle ces faits pour que vous preniez conscience des conséquences sociales et politiques de choix techniques relevant plus des sentiments et intérêts personnels que de résultats d'une recherche objective de la part de prétendus "scientifiques" qui promeuvent de tels projets contre la volonté des peuples.

Les scientifiques, ou ceux qui sont reconnus tels, ont une responsabilité considérable envers la société et il faut que vous ayez toujours à l'esprit que la qualité première d'un scientifique est l'honnêteté intellectuelle. Le principe d'Hippocrate qui dit quelquechose comme "avant tout, ne pas nuire" est universel à toute Science. C'est aujourd'hui le principe de précaution tellement mis en péril par les actionnaires.

Après un stage de 8 mois à l'Institut Français de l'Énergie (IFE), je rejoins en 1980 la coopérative d'ingénieurs en Audit Énergétique (et plus tard Environnement) Cabinet BERNARD. Cette scop avait depuis 1974 une réelle démarche de gestion économe de l'énergie, se présentant comme un médecin de famille d'une maldie qui serait "l'énergivorité", auprès des collectivités territoriales et gestionnaires de tous patrimoines consommant de l'énergie. Prescrivant des remèdes de préférence homéopathiques, par exemple :

  • en se posant la question des besoins en amont de toute solution énergétique, toujours coûteuse,
  • avec des règles telles que "pas quand c'est inutile" (notion de temps → programmation)
  • et "pas plus qu'utile" (notion de quantité → régulation),
  • car l'énergie la moins chère et la moins polluante est celle qu'on ne consomme pas.

Cette démarche simple était contraire aux politiques d'économies d'énergies de l'État, dont l'agence chargée s'est appellée successivement AEE*, AFME*, ADEME*..., pour lesquelles l'économie de l'énergie a toujours servi de prétexte - ou label marketing - à la croissance de l'économie. Nous allons voir comme c'est contradictoire.

Tout en continuant à collaborer sur ces bases avec la scop, en 1989 j'ai créé DELESTAGE, petite sàrl, sur la base d'un dépôt de brevet d'une régulation anti-condensation, pour y poursuivre la recherche et développement jusqu'alors hors du champ du Cabinet BERNARD. Ce dernier ayant une implantation nationale, DELESTAGE en est sa représentation régionale et exerce localement son activité propre dont je vais vous parler.

Céline a bien pointé tout à l'heure la place fondamentale de l'énergie dans les questions de durabilité, en notant que c'était complexe. Je pense que ce n'est pas si complexe en soi, mais que c'est complexifié à dessein par le pouvoir économique qui range l'énergie au rang des sciences occultes pour se réserver le véritable trésor de guerre qu'est son usage. La guerre actuelle en Irak est là pour nous le rappeler. Mais si on décrit la Terre en tant que système thermodynamique, les données apparaissent sous un autre angle:

  • Le monde est constitué de matière.
  • Cette matière est "administrée" par l'énergie (éthymologiquement: force en mouvement, ou cause de travail).
  • Cette énergie se manifeste sous deux formes:
    • travail (énergie cynétique, E = m c²)
    • et chaleur (agitation moléculaire, fonction de désordre, entropie).
  • Au repos, l'énergie cinétique étant nulle, cette force est potentielle (c'est la troisième forme de l'énergie, ou demi-force selon Haton, Cours de mécanique de l'École des mines), contenue dans la matière (équilibre gravitationnel des nucléons comme des astres), elle est proportionnelle à la masse relative des corps:
    • au niveau macroscopique: attraction des corps [célestes] (gravitation),
    • au niveau microscopique: liaisons moléculaires (énergie chimique), et atomiques (énergie nucléaire).
  • Il n'existe pas d'autre "source", ou "contenant" d'énergie, que la matière. Une raison en est pour moi que l'énergie n'est pas une entité concrète en soi, mais plutôt un concept (grandeur extensive comme l'entropie) permettant de comprendre (et quantifier) la propritété de "vie" de la matière. Seules ses manifestations (travail, chaleur...) sont des entités concrètes mesurables. Ce qui a pour conséquence que l'Homme ne peut produire d'énergie comme il le prétend commercialement, mais seulement la consommer en l'extrayant de la matière, pour tirer profit de ses (∧ ces) manifestations quantifiables.

Mais l'énergie peut "sortir" de son contenant et "voyager" dans l'espace: rayonnement électromagnétique, quanta de lumière...

Cependant, le vecteur de transport de l'énergie, onde ou force d'attraction n'est nullement la source. Contrairement à un délire en vogue (peut être causé par l'effet de serre :o) répandant le mythe d'une "énergie du vide", improprement appelée énergie libre, qui serait utilisable sur Terre (je pense qu'il s'agit de ce qu'on a appelé un temps l'antimatière, i.e. l'ex-constante comologique d'Einstein avant la découverte de l'expansion de l'Univers par Hubble, énergie du vide d'ailleurs très proche de zéro selon la supersymétrie des dimesions de Grassmann, bosons et fermions). Par exemple, observer le flot de voyageurs (énergie) descendant du métro (vecteur) à la station Châtelet vers 19 heures, et en déduire que le métro est une source "d'énergie voyageurs" est une spéculation et non une observation scientifique.

Ainsi, la Terre est un système thermodynamique fermé

(mais non isolé de l'espace) dont la réserve totale d'énergie est entièrement contenue dans sa masse. Cette réserve est donc finie et non renouvelable. Si on néglige les météorites qu'elle reçoit (!), elle n'échange d'énergie avec son environnement, le cosmos, que sous forme de rayonnement principalement lumineux et infra-rouge (corps noir à 5800 K) venant essentiellement du Soleil, car la quantité d'énergie d'origine tellurique réémise vers le cosmos est négligeable devant celle reçue du Soleil.

Schéma échange d'energie Soleil-Terre
  • La Terre reçoit ainsi du Soleil un flux d'énergie continu de l'ordre de 1 kW par m² de surface éclairée (cte solaire moyenne = 1367 W.m‾²). Elle utilise naturellement cette énergie solaire pour maintenir la température optimum vitale de sa biosphère, mouvoir son système météorologique dont le cycle de l'eau, et pour maintenir la vie en transformant la lumière en énergie chimique (photosynthèse), la seule renouvelable.

Ainsi, toute l'énergie mise en oeuvre par la nature pour entretenir la vie, et par l'homme s'il se conduisait en animal responsable de son environnement, vient exclusivement du soleil. Que l'homme l'utilise ou non, cette énergie coule à flot continu. Il lui suffirait pourtant de "se baisser pour la ramasser" comme disait mon grand père ! Or, la technique de cette cueillette n'en est selon moi qu'à ses balbutiements et vous avez là un champ de recherche à explorer. Ce gisement d'énergie est limité mais égal à la masse du Soleil. Sa durée de vie est donc celle du Soleil. Ne voilà-t-elle pas la source d'énergie "infinie" que réclamait Céline tout à l'heure ?

Tous les autres échanges d'énergie sur terre, ne quittent pas "son bord" (système fermé)... mais provoquent des transformations irréversibles:

  • Le premier principe de la thermodynamique énonce que si au cours d'une transformation au sein d'un système fermé, celui-ci n'échange de l'énergie avec son environnement que sous forme d'une quantité de chaleur dQ et d'un travail contre les forces de pression dW, la variation d'énergie totale du système est dE = dQ + dW. Si le système décrit un cycle (état final identique à l'état initial) dE = dQ + dW = 0 soit dQ = - dW. C'est le principe de conservation de l'énergie.

Son énoncé économique serait plus "poétique", mais j'ai rappelé celui-ci car on y retrouve les principaux éléments de l'économie politique: le système (qui plus est fermé pour ne pas dire concentrationnaire!), l'environnement, le travail, les forces de pression... il ne manque plus que la Maffia ! :-(

On peut généraliser le principe de conservation de l'énergie en disant que la quantité d'énergie dans l'univers est constante, même si elle change de forme. Et l'on vient d'appliquer à l'instant ce principe à la Terre, à la constante solaire près toutefois. On pressent ici que pour être durable, l'économie ne pourra être qu'une Économie Solaire, et bien sûr solidaire !

  • Le second principe de la thermodynamique est connu des thermiciens en tant que théorème de Carnot qui dit que toutes les machines thermiques dithermes réversibles évoluant entre deux températures données ont le même rendement (= 1 - Tf / Tc). On comprend la notoriété de ce théorème quand on sait que c'est lui qui a permis au capitalisme de recouvrir la terre d'automobiles, de trains, avions, pétroliers, climatiseurs...

Mais le théorème de Carnot (1824) n'est en réalité qu'un aspect limité du second principe généralisé par Lord Kelvin et surtout Clausius (1853). Alors que le théorème de Carnot et l'exploitation du charbon, puis du pétrole, fondent le développement industriel et donc le capitalisme, nous allons voir que l'inégalité de Clausius (∫ dQ / T ≤ 0), qui définit la fonction d'ENTROPIE (dS ≥ dQ / T), fonde pour moi physiquement la contestation du développement capitalistique. Ainsi la production d'entropie, qui est nulle pour une transformation réversible, n'est jamais négative.

En généralisant, on énonce le second principe dit de dégradation de l'énergie ou d'entropie: Si l'énergie dans l'univers est constante (principe de conservation), elle se transforme de plus en plus en chaleur de moins en moins utilisable (principe d'entropie ou de désordre).

Cette notion d'entropie est universelle et dépasse largement la thermodynamique. Vous l'avez sûrement rencontrée en chimie et en mécanique statistique notamment, mais elle n'a hélas guère ému les économistes ! Exception faite de l'économiste russe Sergueï Podolinsky à la fin du XIXe siècle qui avait jeté les bases d'une analyse éco-énergétique en tentant une évaluation de la ponction opérée sur la nature, non pas en termes monétaires mais en calories, dans l'indifférence de ses contemporains.

Et dans la seconde moitié du XXe siècle l'économiste roumain Nicholas Georgescu-Roegen comprit que les lois de la thermodynamique découvertes au XIXe siècle s'appliquaient également à l'économie. Il a montré que l'activité humaine s'inscrivait dans un univers soumis à la loi d'entropie. Que les rejets croissants par l'activité économique de déchets dans la nature accélérait la croissance d'entropie. Il a brisé la vision d'un univers répétitif, immuable, obéissant à de simples déterminismes, et introduit dans l'analyse à la place, le temps, les notions d'irréversibilité et de seuil.

Ces questions m'ont naturellement amenée à m'intéresser à l'économie tout en conservant ma sensibilité d'énergéticienne : (.../...)


retour au Plan haut page
début doc.
DELESTERREAccueil Fin doc.
Suite: Économie